La sécheresse, phénomène catastrophique de plus en plus ordinaire ?
En 30 ans, 8 500 communes françaises ont été reconnues au moins une fois en état de catastrophe naturelle « retrait-gonflement » lié à la sécheresse. Les départements les plus touchés et donc les plus indemnisés sont ceux de la région parisienne, la Haute-Garonne, les Bouches-du-Rhône et la Dordogne. Un phénomène directement lié à la nature des sols argileux qui agissent comme une éponge, se rétractant en séchant, se gonflant à l’humidité. Sur les bâtisses les plus anciennes dont les fondations sont insuffisantes, voire inexistantes, ces mouvements de terrains entraînent un déséquilibre et par conséquent des fissures. Un phénomène qui a pris de l’ampleur lors des derniers étés, alors que la sécheresse a atteint des records.
Un an d’attente pour beaucoup de déception
Pour la sécheresse de 2019, il aura fallu attendre un peu plus d’un an pour connaître la position de l’État. La publication de l’arrêté du 15 septembre publié ce 25 octobre au journal officiel donne la liste des 21 communes que la Préfecture de Dordogne a reconnu être victime de « Mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols du 1er juillet 2019 au 30 septembre 2019 » .
Pour résumer, l’état de catastrophe naturelle n’a été reconnue que dans les communes d’Archignac, Badefols-d’Ans, Le Buisson-de-Cadouin, Calviac-en-Périgord, Campagne, Carsac-Aillac, Les Coteaux Périgourdins, Coux et Bigaroque-Mouzens, Étouars, La Feuillade, Lussas-et-Nontronneau, Mareuil en Périgord, Nanthiat, Nontron, Pazayac, Saint-Crépin-et-Carlucet, Saint-Cyprien, Saint-Martial-de-Valette, Terrasson-Lavilledieu, Teyjat et Varaignes.
Les administrés-sinistrés des 204 autres communes (liste ci-dessous) en seront donc pour leur argent, car c’est cette reconnaissance de l’État qui offre le sésame pour faire valoir ses droit éventuels à indemnisation auprès de son assurance. Attention : les personnes concernées ne disposent que de 10 jours pour entamer les démarches et faire leur déclaration auprès de leur assureur, c’est à dire avant le mercredi 4 novembre prochain.
Le dérèglement semblant devenir la règle, et les finances étant ce qu’elles sont, on comprend que l’État souhaite limiter le nombre de bénéficiaires. Mais on peut aussi douter que la sécheresse n’ait effectivement frappé que 10% des communes de Dordogne qui ont déclaré en avoir souffert. Les administrés qui constatent les dégâts en toute bonne foi s’étonnent donc d’être exclus du dispositif.
Catastrophe Naturelle, comment ça marche ?
Un article spécifique du code des assurances établit les règles spécifiques à ce contrat d’assurance qui couvre des biens situés en France selon un régime fondé sur la solidarité nationale. Pour que le contrat soit opérant, il faut qu’il y ait eu un phénomène naturel d’une « intensité anormale » qui fait que des précautions ordinaires ne pouvaient pas suffire à les prévenir.
On comprend là les limites subjectives de l’appréciation. C’est l’État qui estime les zones et les périodes où s’est située la catastrophe et les dommages en résultant. Pour rendre son verdict, il se base notamment sur les données techniques officielles de Météo France et sur la gravité et la concentration de dégâts constatés ou communiqués par la commune.
Une commune demandant cette reconnaissance peut donc être déboutée au simple motif que les services de l’État n’ont pas estimé l’intensité de la sécheresse « anormale ». Cette décision peut néanmoins être contestée en Cour d’Appel. Le juge d’appel épluche alors les dossiers et peut éventuellement donner droit à la commune sinistrée.
La délicate position des municipalités
Voilà pour la posture juridique. Sur le terrain, les maires sont confrontés à leurs administrés qui comprennent mal pourquoi, à quelques kilomètres près, le régime n’est pas le même alors que les dégâts sont identiques et que la pluie n’est pas tombée davantage chez eux que chez leur voisin.
Dans une petite commune du Grand Périgueux qui compte 390 habitations, un questionnaire auprès des administrés a fait remonter une vingtaine de cas de maisons touchées l’an dernier par des désordres liés à la sécheresse. Elle fait pourtant partie des nombreuses oubliées du Journal Officiel, au grand désespoir de son maire.
Ce dernier va donc, une nouvelle fois contacter le centre de gestion de l’union des maires pour envisager avec ses collègues une démarche collective. La décision pourrait être prise en Conseil d’Administration le 19 novembre prochain. Sans grand espoir tout de même. Depuis trois ans sa commune est touchée, et elle est systématiquement oubliée. Les tentatives d’appel précédentes n’y ont rien changé.
Les particuliers impuissants
Si les mairies n’y peuvent rien, il semble que les particuliers soient encore plus démunis. Il existe bien l’Association Nationale des Assurés Sinistrés Sécheresse (ANASS) qui renseigne les mairies comme les particuliers sur les recours possibles, mais en ces temps de pandémie et de vaches maigres, il semblerait que cet effet collatéral du dérèglement climatique ne soit pas prioritaire.
France 3 Périgord – Pascal FAISEAUX